samedi 28 juillet 2012



LUI

Ce n’est ça qu’il veut, par pitié , plus jamais . Leur malaise le glace un peu plus, l’éloigne de ce qu’il cherche du fond de son désespoir.  La  peur abyssale des pupilles qui se  dilatent ,  plus jamais !!!
Evvie  ressent davantage la nuance, on dirait .Elle semblait même attirée   , un sentiment confus qu’il ne reconnait plus .Une douceur dont il ne se rappelle plus le pourquoi .
Je dois la rassurer , lui transmettre quelques parcelles du feu  bienfaisant sous la glace de mes yeux fous , comment ?  Agir sur ce monde qui l’a rejeté voici quatre siècles, lui , l’abominable , l’imbécile , le mouton grimé en loup dans la  mascarade grossière de cette nuit du mois d'Août 1572

 

mercredi 25 juillet 2012


La peur

 


A la deuxième bière , elle reprend un semblant de couleur  .Elle se met à raconter  .Depuis  la sauterie chez Mylène , depuis qu’elle  a plongé dans «  le lac » elle non plus , « Il » ne la quitte plus .
  Quand elle a décroché ce poste de remplaçante , elle pleurait , riait  si fort au téléphone que j’ai dû abréger mon temps de pause pour échapper aux regards agacés de la chef. 
Depuis cinq semaines    qu’ elle se rend  au Conservatoire en  sautillant , chauffant sa voix  entre deux arrêts de bus , elle n’arrive pas à croire  que les couleurs de la vie puissent  virer anthracite en quelques secondes .
« Quand  je commence le cours , Il est là , se lamente- t - elle. Il  s’insinue dans ma bouche dès les premières notes. Les élèves  commencent à me regarder bizarrement  .  Il m’arrive  même de chanter dans un registre plus grave que le mien , tout d’un coup … Mardi soir , dans la classe vide j’ai nettement entendu les premières notes d’une mélodie  .Comme un air remonté du passé , oublié depuis l’enfance ..mais pas la mienne,je crois . Je les ai machinalement retranscrites avant de me précipiter dans le couloir . La femme de ménage affirme n’avoir rien entendu , elle a même ironisé : quand on  a de la musique dans la tête tout le jour, quelques notes de plus ou de moins, hein... ! »

lundi 24 octobre 2011

Nous avions quatorze ans

Nous avions quatorze ans , j’étais la seule « nouvelle » de la classe ,  elle redoublait sans que cela entame en quoi que ce soit sa joie de vivre . Bien souvent elle s’esclaffait :«  si j’étais entrée en troisième ,tu vois, on ne se serait pas rencontrées, toi et moi ! . »
Eponine prenait des cours de chant, tous les vendredi soirs ; moi je bûchais à tête perdue pour passer devant une péronnelle à qui je je rêvais de clouer le bec,  qui se foutait de moi quand je parlais  seule ou  aux moineaux dans la cours.
J’étais allée écouter Eponine et sa chorale dans la cours du château de Malépine .C’était
une soirée étouffante de Juillet mais sous les vieux tilleuls, l’air était parfumé et presque frais.
Eponine transpirait ,tant elle se donnait au chant ; elle passerait en troisième finalement, moi,  j’étais première de ma classe , la péronnelle  exsudait la haine. C’était la première fois que je gagnais et ça risquait fort d’être la seule. A la tombée de la nuit , un petit rossignol a relayé la chorale sous les tilleuls.
C'était il y a presque dix ans, c'était il y a un siècle...

vendredi 23 septembre 2011

Ma longue et rayonnante amie


Eponine, ma longue et rayonnante amie depuis la classe de 4ième . Elle est la gaieté même ,Eponine . Elle sautille sur la vie comme une fillette sur une immense marelle .Elle y pousse son caillou sans se poser de questions .Tout lui semble zéphyr…lui semblait jusqu’à cette damnée soirée . Elle pleure comme une fontaine en bois des Alpes à la fonte des neiges.
Elle en finit pas de trembler et, du haut de ses dix centimètres  supplémentaires , sa tête livide roule contre mon cou . Nous nous écroulons sur  les bouloches (j’ai deux chats) de mon canapé  premier prix de  chez But . Je sens qu’on a quelque chose de tout nouveau à partager,  Eponine , mais qu’on ne sait pas du tout de quoi il s’agit.

Moi aussi, Eponine j’ai bel  et bien perdu conscience de la réalité au fond du lac changeant de ses yeux avant de remonter à ma surface , quand j’étais encore sous  la sienne .
Moi non plus , depuis ,il ne me quitte plus

mercredi 31 août 2011

Je crois que je deviens folle


 Je ne suis pas remontée à la surface indemne .Je le sais .Est-ce que c’est la même chose pour  tous ceux qui ont croisé son regard ce soir - là  … David, François, Bérangère, Eponine, les seuls visages connus de cette soirée  .Si je leur posais la question... «  Allô, c’est Evvie , une question comme ça, vous avez pas parfois l’impression qu’un type invisible vous observe, que sa respiration vous traverse comme un courant d’air glacé ? »
Ils vont se foutre de moi bien sûr  ou pire,s’inquiéter du tremblement dans ma voix .Quand les gens s’inquiètent pour vous,c’est la fin de la tranquillité…
Driiiiiiiing ! .Je recompose mes traits d’impavide ma’mzelle tout le monde avant d’ouvrir à Eponine, blanche et chancelante :
- Evvie , je crois que je deviens folle !! » .Elle s’effondre en larmes sur mon épaule .

jeudi 18 août 2011

P... nous vient de Lisbonne ...



 Marlène  s’est ruée sur moi comme si nous nous étions  perdues de vue plusieurs années .
 « Viens ,je vais te présenter ! » .Après avoir poliment souri à quatre ou cinq invités « intéressants » que je n’intéressais visiblement pas, elle  m’entraina vers les  rideaux vieux roses . Il posa son verre et se leva lentement comme  on le fait après avoir longuement rêvasser sur un banc , soûlé du mouvement des autres. Je pris sa main ,presque froide et plongeais dans deux lacs turquoises, gris, bleu nuit . Il me fallut plusieurs secondes et le rire strident de Marlène pour remonter à la surface .
«  P…. nous vient de Lisbonne .Il y a enseigné pendant quelques années la langue de Voltaire avant de regagner  Marseille où il s’est installé il y a dix jours …. »

jeudi 28 juillet 2011

"Un tas de gens intéressants"

 Tout a commencé  chez cette allumée de Marlène avec ses soirées rasoirs : "Allez viens , y'aura un tas de gens intéressants" .Intéressants , comment les gens "en tas" pouvaient-ils être intéressants .Elle avait dit non une première fois, une deuxième sans trouver de prétexte...elle a toujours eu du mal à bluffer .Pas par scrupule,non, elle est pas douée ,c'est tout.Elle s'était trainée chez sa "vieille copine " de fac avec un gâteau dont elle avait masqué la difformité sous des roses en sucre et des granulés multicolores .Le gâteau s'apparentait à la motte d'un rosier parsemée de granulés anti-limaces .Ca l'avait fait rire cette image .
  Il était assis entre les rideaux vieux roses , un verre à la main., souriant ,amusé par "le tas de gens intéressants" dont il ne fait plus parti depuis très , très longtemps.