lundi 24 octobre 2011

Nous avions quatorze ans

Nous avions quatorze ans , j’étais la seule « nouvelle » de la classe ,  elle redoublait sans que cela entame en quoi que ce soit sa joie de vivre . Bien souvent elle s’esclaffait :«  si j’étais entrée en troisième ,tu vois, on ne se serait pas rencontrées, toi et moi ! . »
Eponine prenait des cours de chant, tous les vendredi soirs ; moi je bûchais à tête perdue pour passer devant une péronnelle à qui je je rêvais de clouer le bec,  qui se foutait de moi quand je parlais  seule ou  aux moineaux dans la cours.
J’étais allée écouter Eponine et sa chorale dans la cours du château de Malépine .C’était
une soirée étouffante de Juillet mais sous les vieux tilleuls, l’air était parfumé et presque frais.
Eponine transpirait ,tant elle se donnait au chant ; elle passerait en troisième finalement, moi,  j’étais première de ma classe , la péronnelle  exsudait la haine. C’était la première fois que je gagnais et ça risquait fort d’être la seule. A la tombée de la nuit , un petit rossignol a relayé la chorale sous les tilleuls.
C'était il y a presque dix ans, c'était il y a un siècle...

vendredi 23 septembre 2011

Ma longue et rayonnante amie


Eponine, ma longue et rayonnante amie depuis la classe de 4ième . Elle est la gaieté même ,Eponine . Elle sautille sur la vie comme une fillette sur une immense marelle .Elle y pousse son caillou sans se poser de questions .Tout lui semble zéphyr…lui semblait jusqu’à cette damnée soirée . Elle pleure comme une fontaine en bois des Alpes à la fonte des neiges.
Elle en finit pas de trembler et, du haut de ses dix centimètres  supplémentaires , sa tête livide roule contre mon cou . Nous nous écroulons sur  les bouloches (j’ai deux chats) de mon canapé  premier prix de  chez But . Je sens qu’on a quelque chose de tout nouveau à partager,  Eponine , mais qu’on ne sait pas du tout de quoi il s’agit.

Moi aussi, Eponine j’ai bel  et bien perdu conscience de la réalité au fond du lac changeant de ses yeux avant de remonter à ma surface , quand j’étais encore sous  la sienne .
Moi non plus , depuis ,il ne me quitte plus

mercredi 31 août 2011

Je crois que je deviens folle


 Je ne suis pas remontée à la surface indemne .Je le sais .Est-ce que c’est la même chose pour  tous ceux qui ont croisé son regard ce soir - là  … David, François, Bérangère, Eponine, les seuls visages connus de cette soirée  .Si je leur posais la question... «  Allô, c’est Evvie , une question comme ça, vous avez pas parfois l’impression qu’un type invisible vous observe, que sa respiration vous traverse comme un courant d’air glacé ? »
Ils vont se foutre de moi bien sûr  ou pire,s’inquiéter du tremblement dans ma voix .Quand les gens s’inquiètent pour vous,c’est la fin de la tranquillité…
Driiiiiiiing ! .Je recompose mes traits d’impavide ma’mzelle tout le monde avant d’ouvrir à Eponine, blanche et chancelante :
- Evvie , je crois que je deviens folle !! » .Elle s’effondre en larmes sur mon épaule .

jeudi 18 août 2011

P... nous vient de Lisbonne ...



 Marlène  s’est ruée sur moi comme si nous nous étions  perdues de vue plusieurs années .
 « Viens ,je vais te présenter ! » .Après avoir poliment souri à quatre ou cinq invités « intéressants » que je n’intéressais visiblement pas, elle  m’entraina vers les  rideaux vieux roses . Il posa son verre et se leva lentement comme  on le fait après avoir longuement rêvasser sur un banc , soûlé du mouvement des autres. Je pris sa main ,presque froide et plongeais dans deux lacs turquoises, gris, bleu nuit . Il me fallut plusieurs secondes et le rire strident de Marlène pour remonter à la surface .
«  P…. nous vient de Lisbonne .Il y a enseigné pendant quelques années la langue de Voltaire avant de regagner  Marseille où il s’est installé il y a dix jours …. »

jeudi 28 juillet 2011

"Un tas de gens intéressants"

 Tout a commencé  chez cette allumée de Marlène avec ses soirées rasoirs : "Allez viens , y'aura un tas de gens intéressants" .Intéressants , comment les gens "en tas" pouvaient-ils être intéressants .Elle avait dit non une première fois, une deuxième sans trouver de prétexte...elle a toujours eu du mal à bluffer .Pas par scrupule,non, elle est pas douée ,c'est tout.Elle s'était trainée chez sa "vieille copine " de fac avec un gâteau dont elle avait masqué la difformité sous des roses en sucre et des granulés multicolores .Le gâteau s'apparentait à la motte d'un rosier parsemée de granulés anti-limaces .Ca l'avait fait rire cette image .
  Il était assis entre les rideaux vieux roses , un verre à la main., souriant ,amusé par "le tas de gens intéressants" dont il ne fait plus parti depuis très , très longtemps.

mercredi 20 juillet 2011

Pas de quoi perdre la tête

Bière ou orange pressée ? Elle allait s'ouvrir une blonde fraîche et dorée,il lui fallait ça.
Mais d'abord faire le point : tu as croisé un angora gris au regard changeant. Aucun  chat n'a les mêmes yeux plus de quelques minutes ,ils absorbent la lumière, la restituent , la captent , la transforment au gré de leur humeur Celui-là est comme les autres pas de quoi perdre la tête ... . Le paquet ce matin t'a échappé quand la porte a claqué dans ton dos .Qu'est-ce qu'un bête courant d'air a à voir avec lui ? Rien du tout ...tout ,en fait. Il était le courant d'air...celui qui t'a traversée et transforme ta vie .Le revoir à tout prix ,la bière tiédissait dans ces doigts et tanguait dangereusement

samedi 18 juin 2011

Les livres m'ont sauvé la mise

Son cœur retrouvait lentement un rythme normal .Un homme entre deux âges se penche sur elle, son regard la réchauffe doucement. A ses côtés une femme gesticule  en baraguouinant dans un français mâtiné d’espagnol , elle désigne la porte du bureau de poste devant lequel se tient, médusée sa chef de bureau .
Celle-ci s’avance vers le banc :
« Prenez quelques jours de repos ,Evvie ,vous paraissez à crancs . Il n'y a pas eu de casse, le paquet contenait des livres."  Sa voix s'était sensiblement adoucie."  Nous allons voir comment prolonger la période d’essai, suivez-moi, !"
  Je ne suis pas virée. Les livres m’ont sauvé la mise .Ca arrive souven
Je retrouve la ligne verte désertée par les cyclistes .Quelques coquilles vidées par le soleil déjà brûlant de juin forment des petits tas  de poudre immaculées .
A la prochaine pluie , je pourrai encore zigzaguer .Les nuages s’amoncellent à l’Ouest depuis ce matin …  
Il a jailli des taillis, souple et silencieux .Ses poils sont gris et vaporeux comme une fumée d’usine .
Petit , on le croirait tout jeune mais son pas à la pondération d’un adulte .Il me fixe… bien sûr …un chat...Il me jauge d’un œil vert , kaki plutôt , changeant en fait…
« Arrête Evvie avec ces fadaises, éteins cette lampe et dort !!!! »
 Le vert du regard changeait de nouveau….jusqu’à …Quand le fou rire la prit, l’angora disparut sous  son buisson ….

mercredi 15 juin 2011

C'est ce qu'il me faut.....



Tout va bien , Evvie ? s’inquiète la chef de bureau…m’a-t-elle vue me retourner plusieurs fois sans raison ?...Cette impression d’être frôlée …
« C’est un envoi sans signature, madame ,oui , pardon je… » Se concentrer  le plus possible…Pas question de laisser passer ce boulot,j’en ai trop besoin . L’ambiance du petit bureau de poste est celle d’un petit bureau de poste d’une micro commune : engourdie .C’est ce qu’il me faut. Et puis cette marche quotidienne sur la ligne verte m’enchante .Se rendre au boulot en contournant les escargots,soûlée par les piaillements d’oiseaux, c’est inespéré ça .... Qu’il cesse son manège, par pitié …

mercredi 1 juin 2011

Evvie:La ligne verte


La ligne verte,
Vingt minutes jusqu’au bureau .Sur cette longue voie piétonne toute verte ,des cohortes de spirales , avides d’humidité . Certaines ne sont plus qu’une trainée blanchâtre semi solide, sacrifiée sous le pneu de cyclistes pressés.Moi, j’ai le temps, je les contourne .Je me suis retournée plusieurs fois déjà …
-Bonjour , m’sieu dames ! En avance ce matin le couple d’Espagnols .Madame a cueilli son bouquet d’herbes et pérore, monsieur l’écoute . Plusieurs semaines que je les croise tous les matins. Je me retourne…j’ai écrasé deux microscopiques escargots. Personne ne me suit j’en suis sûre….Qu’est-ce ça voudrait dire « suivre » pour lui ?

lundi 30 mai 2011

Evvie :le temps, le sang

Envolé le bel oiseau.Il l'avait traversée comme ces souvenirs qui vous chavirent le sang ...le sang en effet. Elle comprenait maintenant ce qu'il était , qu'elle ne le reverrait pas avant longtemps ....Le temps, le sang ,ça coule fluide , épais ,trop épais, puis ça se fige et tout le monde descend. Elle n'était pas descendue avec lui ."L'amour plus fort que la mort", n'importe quoi. Elle aimait trop le vent dans  les arbres,leurs mouvements erratiques....pas question de se figer , de se faire épingler comme un beau papillon....D'aillleurs qu'est-ce qu'il savait encore des papillons , ce bel oiseau de nuit que la lumière terrifiait?